Face à une dette colossale et des coûts en hausse, l’option d’une augmentation des tarifs de péage revient sur la table. Le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a évoqué cette possibilité devant la commission des infrastructures à la Chambre des représentants. Une annonce qui relance le débat sur le financement du réseau autoroutier et ses conséquences pour les usagers.

Depuis 2005, les tarifs de péage au Maroc n’ont pas bougé, alors que les coûts de construction et d’entretien des infrastructures ont explosé. Une situation qui met à mal la Société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM), dont l’endettement a atteint des niveaux critiques. Pour Nizar Baraka, il devient urgent de revoir le modèle économique du réseau, afin de garantir sa pérennité sans alourdir la dette publique.

Une étude comparative a montré que les tarifs appliqués au Maroc sont inférieurs à ceux en vigueur dans plusieurs pays. ADM, qui a investi près de 55 milliards de dirhams dans le développement du réseau, doit désormais composer avec un manque à gagner annuel estimé à un milliard de dirhams. Sur les 1 800 km d’autoroutes en service, 500 km affichent une fréquentation trop faible pour assurer leur rentabilité, compliquant encore davantage la situation financière de l’entreprise.

Un modèle économique fragilisé

ADM fonctionne selon un modèle de financement basé sur un retour sur investissement à long terme. Mais la courbe économique prévue ne s’est pas vérifiée sur plusieurs tronçons, notamment ceux où la circulation reste en dessous du seuil de rentabilité. Certaines portions enregistrent à peine 3 000 à 4 000 véhicules par jour, alors qu’il en faudrait 6 000 pour assurer l’équilibre financier.

Cette situation place l’entreprise dans une impasse. Si elle doit continuer à investir pour atteindre l’objectif royal de 3 000 km d’autoroutes, elle doit aussi réduire son endettement, qui représente un frein majeur à sa capacité de financement. D’où la nécessité, selon le gouvernement, d’explorer de nouvelles solutions, dont la révision des tarifs de péage.

Des alternatives étudiées, mais une hausse inévitable ?

Pour éviter de puiser dans le budget de l’État, ADM a déjà engagé plusieurs réformes. Entre 2016 et 2020, l’entreprise a restructuré 15,5 milliards de dirhams de dettes, réduisant son ratio d’endettement de 4 à 1,5. Elle a aussi renégocié ses prêts et optimisé la gestion de ses infrastructures. Malgré ces efforts, le déficit persiste, rendant nécessaire l’exploration d’autres pistes.

Outre la hausse des tarifs, plusieurs solutions sont envisagées : l’exploitation commerciale des aires de repos, le développement de nouveaux partenariats financiers ou encore l’adaptation des tarifs en fonction de la fréquentation des axes. Mais pour ADM, ces mesures ne suffiront pas à combler le manque à gagner. Une augmentation des tarifs semble donc inévitable, même si elle risque de susciter des réticences parmi les usagers.

Une annonce qui ne fait pas l’unanimité

L’éventualité d’une hausse des péages ne manquera pas de faire réagir les automobilistes, déjà confrontés à une inflation galopante. Pour les usagers réguliers, notamment les professionnels du transport, une augmentation pourrait peser lourd sur leur budget. Certains craignent que cette mesure n’incite les conducteurs à privilégier les routes nationales, avec des conséquences sur la fluidité du trafic.

Le gouvernement, de son côté, assure que la révision des tarifs se fera de manière progressive et concertée. Mais l’opinion publique reste sceptique. Alors que l’entretien du réseau devient un enjeu majeur, l’équilibre entre accessibilité et viabilité économique s’annonce plus délicat que jamais.